Être entrepreneur quand on est parent aidant, petit retour d’expérience.

Contexte de ce billet pour celleux qui viendrait à le lire sur le tard :

Nous sommes en avril, mois de sensibilisation aux troubles du spectre autistique. En tant que maman d’au moins un enfant autiste, je veux apporter ma pierre à l’édifice.

Je tente le défi briques 2023 🧱 et nous en sommes au 15ème jour au moment où je rédige ce billet. Ainsi, je tente de publier chaque jour – sauf le samedi – sur l'une de mes nombreuses plateformes, durant 21 jours. Je me suis ajouté la difficulté sans filets, sans planning éditorial, sans préparation de plus de 24h à l'avance 💪, histoire de sortir mes émotions, ma passion pour mon métier comme ça, spontanément au jour le jour.

Je me suis lancée dans ce défi pour casser ce blocage que je me suis moi-même créé depuis des mois en matière de production de contenu : je poste en dilettante par peur d'oser prendre ma place, d'être vulnérable... Or, la transparence avec vous qui me lisez est une valeur à laquelle je tiens !

Ce 15ème jour de défi brique est d'autant plus spécial puisqu’il s'agit de parler de transparence sur Internet, un sujet qui tombe à pic donc… Alors c’est parti pour un article écrit et publié à chaud 🙌 !

D’abord, c’est quoi l’autisme ?

 

Parfois des images valent mieux que les mots et l’illustration d’Élise Gravel en est un bon exemple :

J'ajouterais que :

  • l'autisme n'est pas une maladie contagieuse, ce n'est pas un gros mot – je ne dirai pas "mon enfant a un TSA" mais plus simplement "mon enfant est autiste" ;

  • ce n'est pas dû aux vaccins, aux écrans, à une défaillance dans mon rôle de mère, un surplus de sucre ou de gluten dans l'alimentation, etc... Les recherches démontrent que les causes sont génétiques, ou encore neurobiologiques.

    Bref, on nait autiste on ne le devient pas 😊.

L’entreprenariat en tant que parent aidant, une bonne idée ?

Vous avez un job “classique” qui me permette de bosser comme suit ?

  • uniquement le matin entre 9h et 11h45 puis de nouveau entre 14h et 16h ;

  • à 10 minutes de l’école sinon vous réduisez les plages horaire susmentionnées ;

  • où il m’est possible de prendre mes après-midi ou mes matinées sans que cela n’embête trop mon patron ou mes collègues parce que l’un de mes enfants est complétement HS… Parce qu’on dirait pas, mais être autiste et s’adapter au monde qui nous entoure, c’est fatiguant – si seulement c’était l’inverse, si seulement notre société était inclusive 😏 – ;

  • j’ai mes week-end et les mêmes vacances scolaires que mes enfants ;

  • dans lequel j’ai des responsabilités non négligeables ;

  • dans lequel je peux évoluer et avoir un minimum d’ambition quant à la suite de ma carrière ;

  • sans devoir justifier des diagnostics complets (parce qu’entre la naissance et la réception des papiers de diagnostic à 100%, il y a juste plusieurs années…) ;

  • avec au moins un·e collègue super drôle et sexy sympa ;

  • un job qui me plaise aussi, accessoirement 🤭 ;

Bref, je m’arrête là, vous voyez l’idée…

Entreprendre depuis chez-moi, pouvoir travailler dans ce que j’aime, quand je le veux en fonction du temps scolaire de mes enfants et avec mon conjoint, c’était le plus simple !

Du coup travailler avec un planning aménagé, ça résout tout ?

Pas forcément, dans les fait, je travaille moins de 20h par semaine pour mon entreprise.

Entre les soins, la fatigue engendrée par les nuits courtes (un enfant autiste a bien souvent des troubles du sommeil), le manque de relais (j’en reparle plus tard…), les moments de fatigue des enfants pas toujours facile à anticiper, la volonté à avoir face à de nombreuses démarches, les crises, le quotidien qui ne ressemble pas à celui des autres familles, l’isolement parfois, etc… Bien des choses qui vont fortement impacter ma charge mentale, mon temps, mon efficacité et mon énergie au quotidien !

Le deep-work* que prône beaucoup d’entrepreneur·e·s est donc impossible pour moi. Il y a toujours un jour où je vais être KO, où je vais recevoir un appel, devoir passer un appel… Disons qu’il faut bien se rendre compte que l’on va pas du tout faire partie de ces entrepreneur·e·s au succès fulgurant que l’on peut voir sur les réseaux.

(*travailler à fond pendant la période de la journée où l’on sait que sa productivité est au max)

Le pire dans mon expérience de parentpreneur / parent-aidant :

Pendant les rendez-vous de diagnostics (entre 1 et 2 rdv par semaine en plus des soins habituels + un paquet de paperasse à faire ensuite), je n'ai pas eu de CA pendant 13 mois.

Parce que mon conjoint (collaborateur) était moins disponible et que j'ai eu moi-même un souci de santé, étant littéralement épuisée, j’ai préféré assurer d'abord dans mon rôle de maman aidante avec le peu d’énergie qu’il me restait.

Avec un emploi salarié, j’aurais eu un arrêt de travail et des indemnités plus importantes que la trésorerie de mon entreprise. Mais aussi quelqu’un pour me remplacer !

Les avantages insoupçonnés de l’entreprenariat :

  • Formation continue en tant que professionnelle de l’organisation 10/10 :

J’ai pu éprouver par moi-même la nécessité absolue d’un bon système d’organisation. Et ça me permet de faire baisser son caquet à mon syndrome de l’imposteur (qui embête vraiment beaucoup plus les entrepreneures en général).

Vu tout ce avec quoi je jongle au quotidien, je peux faire office de mentore de l’orga pour mes client·e·s 🥳.

  • Conciliation vie-pro et vie-perso 9/10

Comme toutes les #mompreneure, je me retrouve à ruser 🦊 pour que mes enfants me laissent travailler pendant les vacances.

Mais l’objectif principal de ce travail à la maison est atteint : je peux adapter le soin apporté à mes enfants au millimètre près, et ce n’est pas donné à tous les parents aidants qui sont au salariat (force et honneur à vous, vraiment 🙏🏼).

  • Qualité de vie au travail 8/10

J’ai du temps de qualité avec mon conjoint. Le quotidien grignote déjà ce genre de moment, puis, quand on est parent, c’est encore moins simple… Donc quand un ou plusieurs des enfants a un handicap, on passe en mode hardcore du temps à deux !

Travailler en amoureux fonctionne bien pour nous et on passe de bons moments. Même si parfois on se distrait mutuellement (d’où les 2 points en moins 😉) !

  • Caser un peu de temps pour moi plus facilement 7/10

C’est tinté de culpabilité quand je prends un créneaux normalement dédié au travail pour lever le pied et penser à moi. Mais c’est parfois indispensable que je le fasse !

Être totalement maîtresse de mon planning est un avantage stratosphérique dans ma vie de parent aidant.

Si je rencontrais un parent-aidant qui se lance dans l’aventure entrepreneuriale

N’hésitez pas à demander de l’aide !

  • Les aides financières et droits accordés par l’état

Parfois on ose pas… On en minimise parfois l’intérêt.

Pourtant, ces aides sont là pour ça, pour permettre aux personnes qui en ont besoin de s’inclure plus facilement dans la société. Pour certaines d’entre elles, la présence d’une aide humaine indispensable, donc vous avez le droit de demander les moyens financiers pour remplir ce rôle.

Des exemples en vrac : l’AEEH et son complément (par exemple, même à son compte, comme je vous le disais ci-dessus, on peut ne pas pouvoir travailler à temps complet…), une carte prioritaire ou de stationnement, l’affiliation à une caisse de retraite spécifiques, etc…

  • Les aides humaines

PMI, assistant·e·s sociales·aux, médecin traitant, MDPH, associations en lien avec la maladie ou le handicap de votre ou de vos enfant·s… Bref, autant de personnes qui savent peut-être mieux que vous les dispositifs qui pourraient vous aider vous et vos enfants.

  • Vos proches

Sur le plan pratique : par exemple, un grand-père ou une grand-mère qui prend le relais, histoire de vous balader 1h avec votre conjoint·e

Sur le plan émotionnel : c’est important aussi d’avoir un·e ami·e avec qui vous pouvez vider votre sac et boire un verre les jours où ça ne va pas.

Parlez :

À vos proches, à un groupe d'autres parents (aidants ou non), à un psychologue. Ne gardez pas vos difficultés pour vous 🙏🏼.

Prendre soin de vous (LVL 100) :

Je dis ça tout le temps, à n’importe qui. Mais de façon pragmatique, en tant que parent-aidant et solopreneur·e débutant·e, c’est plus qu’indispensable. Et si vous êtes tenté·e de penser que ce n’est pas prioritaire, laissez-moi vous rappeler ceci :

  • Vous êtes indispensable et bien souvent irremplaçable au quotidien de votre enfant, de par ses besoins spécifiques.

  • Vous êtes votre seul et unique outil principal, effectif opérationnel de votre entreprise. Et ce, jusqu’à ce que vous puissiez recruter pour déléguer.

En prenant ces 2 paramètres en compte, si vous ne prenez pas soin de vous, il est impossible de tenir sur la durée.

J’ai parfaitement conscience que le relais adéquat est difficile à trouver pour vous aménager du temps pour vous. Mais ne culpabilisez pas de prendre ce temps en premier lieu.

Dans un monde idéal, qu’est-ce qui (selon moi) faciliterait l’entreprenariat des aidants ?

Franchement, je pense que ça vaudrait pour les parents aidants en général.

DU RELAIS accessible !

(les parents “tout court” en ont rarement assez, alors bon… 🙄 gardons espoir !)

Le problème majeur dans ma vie d’aidante, ce n’est pas tant de gérer les besoins particuliers de mes enfants, c’est de devoir être constamment proactive dans la recherche des solutions EN PLUS de gérer les besoins particuliers de mes enfants !

Je prends 3 exemples, en espérant qu’ils soient assez parlants (à force, je suis susceptible d’avoir comme une “déformation professionnelle” 😂) :

  • Pour pas mal de prises en charge, je dois trouver les pros de santé moi-même. Sauf que j’ai pas un annuaire magique des pros formés à l’autisme tenu à jour en temps réel… Je dois donc chercher des spécialistes pas trop loin, ayant une liste d’attente soutenable et qui ont des créneaux horaires compatibles avec l’emploi du temps de mes enfants. Une prospection non-négligeable avec les enfants dans les pattes pendant les appels (évidemment 🤭) ;

  • La paperasse, encore et toujours la paperasse : le dossier MDPH à renouveler au minimum 1 fois tous les ans (ou plus si les besoins de l’enfant changent), les papiers pour les frais kilométriques et autre justificatifs des dépenses liés au handicap (achat de matériel par exemple)… C’est dense. Merci aux assistant·e·s sociaux d’exister !

  • Trouver soi-même du relais et de l’aide. Là encore, il faut prospecter et attendre que cela se mette en place. Mais bien souvent, il faut un diagnostic terminé et établit (mes pensées vont à toutes ces familles en errance médicale 😔), que les associations qui font tout leur possible ne soient pas déjà surbookées (à tous les bénévoles, merci aussi 🥰).

Bref, vous l’aurez compris, être parent aidant ET entrepreneur, c’est un peu la double journée administrative. Et parfois, on est un peu découragé·e entre la prospection de solutions pour nos enfants et la prospection des clients 😅.

Un coup de pouce pour les débuts

Je sais pas comment on pourrait appeler cela. Pour certaines situations, il y a des subventions, des coups de pouces financiers, des incubateurs ou des pépinières. Un truc dédié aux aidants, ça pourrait être sympa.

(on a dit “dans un monde idéal” hein !)

Une aide pour s’organiser

Franchement, j’aimerais que mes accompagnements soient prescrits et rembourser pour les parents aidant qui se lancent dans l’entreprenariat pour pouvoir s’occuper de leurs enfants ET être chef·fe d’entreprise.

Je prêche pour ma paroisse, certes, mais sans organisation, je serais – à titre personnel – définitivement au bout du rouleau.

Une société plus inclusive en général

Devoir expliquer en quoi consiste le handicap de son enfant, pallier au manque d’inclusivité dans tous les endroit qu’il fréquente, c’est énergivore et déprimant.

Alors sincèrement, j’espère qu’un jour nous n’aurons plus besoin d’un mois d’avril dédié à la sensibilisation au TSA, qu’être autiste ce sera une caractéristique du même genre que d’avoir les yeux bleus.

Mais il y a encore pas mal de travail pour en arriver là !

En attendant, j’espère que cette incursion sous ma casquette de maman aidante vous aura plu.

Et surtout, prenez soin de vous 🍃 !

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